vendredi 28 février 2014

Théâtre | Par les villages

En faisant quelques pas dans le hall de la MC2 de Grenoble avant que ne débute la pièce Par les villages ou à la faveur de l'entracte, on peut apprécier les photographies de Jean-Louis Fernandez. On y mesure le gigantisme de la Cour d'honneur du Palais des Papes pour laquelle la pièce a été créée à l'occasion du Festival d'Avignon 2013.
Il fallait donc un texte qui puisse souffrir cette démesure. Le metteur en scène et comédien Stanislas Nordey l'a trouvé : Par les villages, de Peter Handke. Sur la scène du Grand Théâtre de la MC2, lors de la première ce jeudi, on pouvait reconnaître l'amplitude de ce poème dramatique. C'est bien la poésie du verbe que les comédiens donnent à entendre, grâce à une diction limpide qui n'escamote aucun son, aucune syllabe, performance remarquable tenue trois heures et demie durant sans que jamais la voix n'achoppe. L'écoute de la salle était à la mesure de l'exploit.

Le théâtre comme tribune
Mais ce qui davantage interpelle, c'est l'usage de tribune qui est fait de la scène où la parole est rendue aux humbles. La pièce se construit autour des retrouvailles de deux frères ennemis dans un petit village d'Europe centrale. Fuyant les classes laborieuses, l'aîné, Gregor, figure de l'intellectuel, a quitté sa famille pour rejoindre la ville. Son frère Hans, interprété par Stanislas Nordey, a si bien embrassé sa condition d'ouvrier qu'il s'en est fait le porte-parole. 
Comme dans les grandes tragédies, la confrontation est retardée et c'est quand elle intervient que la parole devient flamboyante, parce que portée par la revanche de l'humble resté au village : remarquable moment théâtral où Hans libère, par le flux ininterrompu de ses mots, la parole de ses pairs. Ce qui est défendu à cœur c'est l'énigme inhérente à chacun de ces ouvriers que d'aucuns considèrent comme interchangeables. Tous portent le verbe haut, parfois rieur, toujours fiévreux. L'intendante du chantier, Annie Mercier, « vieille buveuse de gnôle », enchante la salle par sa gouaille désabusée.
Tous soliloquent mais interagissent bel et bien. Toutefois l'intérêt s'émousse parfois devant des élans lyriques étirés à l'extrême. Mais ce beau théâtre du texte vaut bien des instants d'une lassitude toute relative, sans compter que la guitare électrique d'Olivier Mellano est là pour seconder discrètement le récit.

A.D.



© Jean-Louis Fernandez


Compte rendu critique
Pièce vue le jeudi 27 février 2014

MC2: Grenoble


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