samedi 10 janvier 2015

Théâtre | La Vie de Galilée

Texte de Bertolt Brecht
Mise en scène de Jean-François Sivadier

Dès l’exposition de La Vie de Galilée, le programme de la pièce est lancé. Faire s’agiter la pensée de manière ludique. Galilée, interprété par Nicolas Bouchaud, fait la leçon à son jeune élève Andrea (Stephen Butel). Sa technique : un mélange de mime et de rébus qui ne s’interdit pas l’anachronisme burlesque. Le scientifique fait ainsi accoucher son disciple de la thèse qu’il s’agira de lézarder ensuite : la Terre serait immobile, en cage, au centre de l’univers.

Galilée et Brecht : deux hommes de révolution
Un parallèle se dessine très vite entre Galilée orientant la pensée de son élève et un homme de théâtre dirigeant son comédien. C’est que Jean-François Sivadier, qui signe la mise en scène, lit dans la pièce une comparaison évidente entre l’homme de science qui révolutionna tout à fait la manière de concevoir l’univers et Bertolt Brecht qui défricha de nouveaux territoires pour les arts dramatiques. Galilée s’est employé à dessiller le regard de ceux qui se complaisaient dans un système confortable plaçant l’homme au cœur de toutes choses avec en surplomb, le couvant du regard, l’œil de Dieu. Pour Brecht, qu’on mésestime trop souvent aujourd’hui, c’était la rigidité des codes théâtraux qu’il fallait renverser pour ébranler la conscience du spectateur, pour le rendre meilleur. C’est en héritier de ce théâtre que se place ici Jean-François Sivadier. Le spectateur entend à merveille l’une des phrases que Brecht place dans la bouche de Galilée : « Penser est l'un des plus grands divertissements de l'espèce humaine. » Une phrase qui résonne puissamment aujourd’hui tant la pensée fait défaut.

Une pensée incarnée
Pour être tissé de pensée mobile, ce théâtre n’en est pas pour autant désincarné grâce à une troupe de comédiens exceptionnels, qui embrassent avec une même fraîcheur les différents rôles qui leur sont confiés. Les costumes, de même, accompagnent avec justesse la loufoquerie qui intervient toujours à point nommé. La pièce se met enfin au diapason de son personnage central, gourmand. Galilée n’est pas montré comme un ascète entièrement dévoué à la science mais comme un homme dont la chair peut à l’occasion dicter le comportement. Servile pour pouvoir manger de la viande et payer le laitier, lâche devant les instruments de l’Inquisition, il ne désire rien de moins que d’exposer ses chairs à la flamme comme un jambon.

C’est à cause de ce pragmatisme qu’il échoue à dissiper le « brouillard nacré de superstitions et de vieux dictons » qui enrobe ses contemporains et que, selon Brecht, il ouvre la voie d’une science vendue au pouvoir. Le progrès n’est plus synonyme de progression depuis longtemps déjà quand Brecht rédige ce texte cruellement actuel. Il ne faut pas oublier que le dramaturge allemand met la dernière main à sa pièce dans les années 1950, au sortir de la guerre, au lendemain de la première bombe atomique larguée sur une ville.

A.D.


© Dominique Brillault


Compte rendu critique
Pièce vue 
à la MC2
 le mardi 6 janvier 2015


MC2: Grenoble
Du mardi 6 au samedi 10 janvier 2015, à 19h30

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