jeudi 29 janvier 2015

Théâtre, danse | Chassez le naturel

D’après Le Parti pris des animaux de Jean-Christophe Bailly
Jeu et mise en scène : Jacques Bonnaffé
Danse et chorégraphie : Jonas Chéreau

Dans le Parti pris des animaux, Jean-Christophe Bailly plaide en faveur d’une perception du monde animal débarrassée de sa tendance anthropomorphique. Les fables, les dessins animés, les films et même les documentaires nous ont habitués à prêter aux animaux nos traits de caractères, à nous chercher en eux. Et si nous explorions plutôt ce qui les éloigne de nous, ce qu’ils savent faire qui reste hors de notre portée ?
C’est ce qu’entreprend Jean-Christophe Bailly à travers un beau texte – nommé par lui-même « poème didactique » – dont se saisissent sur la scène Jacques Bonnaffé et Jonas Chéreau. Le premier joue le texte, le deuxième le danse dans Chassez le naturel, programmé par l’Hexagone de Meylan mardi 3 et mercredi 4 février.

Didactisme oui, mais loufoque
« Sur scène, il ne s’agit pas pour nous d’imiter les animaux. Jonas Chéreau n’a rien dans sa corpulence du singe. Ses épaules ne sont pas très marquées, son buste n’est pas très fort, ni ses bras très longs. », déclare, rieur, Jacques Bonnaffé, qui ne prétend pas délivrer une parole sentencieuse sur le monde animal. Le burlesque circule beaucoup entre les textes : « J’aurais peur qu’on fasse un spectacle qui dise : « On a traité hautement de la question de l’animal et du naturel. » » Point d’inquiétude à avoir de côté-là si l’on se fie au talent du comédien pour les loufoqueries.

Le texte et le jazz
Danse et jeu dialoguent donc autour du texte de Jean-Christophe Bailly, à l’intérieur duquel Jean-Jacques Rousseau et Norge font quelques trouées. « C’est un travail de collage : j’ai aimé ces variations sur l’animal. Dans son texte, c’est comme si Norge provoquait le brontosaure en lui disant : « t’as bien fait de dégager ! » », s’enthousiasme Jacques Bonnaffé, qui emprunte au jazz sa liberté, son aptitude à la réinterprétation et au déploiement d’infinies variations.
Louis Sclavis, Louis Armstrong et le Kronos Quartet (qui a donné un très beau concert à l’Hexagone dans le cadre des Détours de Babel 2013) se glissent dans le spectacle sous forme de citations. Pour reprendre le mot de Jacques Bonnaffé, ces pièces viennent « enflammer » les textes qui déjà, dans leur composition comme dans leur interprétation, swinguent et vibrent de belle façon.

La peinture et la photographie animalières
L’inspiration puise également du côté de l’iconographie animalière. Jacques Bonnaffé ironise : « Quelque fois il y a des photos animalières qui sont soit très sportives, soit très décoratives : avec des animaux, comme on dit à propos des chats, « trop mignons ». Parfois on les croirait empaillés au milieu des fleurettes. » 
Aux antipodes, on trouve les toiles de Gilles Aillaud et les photographies d’Éric Pillot, qui essaient tous deux « de montrer autre chose que le bel animal sauvage. C’est comme s’ils plongeaient dans leur identité. », poursuit le comédien. Jean-Christophe Bailly voit dans leur travail une illustration de la maxime « nature aime à se cacher ». « L’animal se cache dans le visible. C’est une question équivalente à celle-là. On peut aussi tirer l’aphorisme dans le sens scénique. On dit qu’un acteur est très nature, qu’il est une bête de scène. La bête de scène, aime-t-elle à se montrer ou à se cacher ? »

Propos recueillis par A.D. le 28/01/2015


© Laurent Philippe
Hexagone de Meylan

Mardi 3 et mercredi 4 février, 20h


04 76 90 00 45

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire