Texte de Bertolt Brecht
Mise en scène de Jean-François Sivadier
Dès l’exposition de La Vie de Galilée, le programme de la pièce est lancé. Faire s’agiter la pensée de manière ludique. Galilée, interprété par Nicolas Bouchaud, fait la leçon à son jeune élève Andrea (Stephen Butel). Sa technique : un mélange de mime et de rébus qui ne s’interdit pas l’anachronisme burlesque. Le scientifique fait ainsi accoucher son disciple de la thèse qu’il s’agira de lézarder ensuite : la Terre serait immobile, en cage, au centre de l’univers.
Galilée et Brecht : deux hommes de révolution
Un parallèle se dessine très vite entre Galilée
orientant la pensée de son élève et un homme de théâtre dirigeant son comédien.
C’est que Jean-François Sivadier, qui signe la mise en scène, lit dans la pièce
une comparaison évidente entre l’homme de science qui révolutionna tout à fait
la manière de concevoir l’univers et Bertolt Brecht qui défricha de nouveaux
territoires pour les arts dramatiques. Galilée s’est employé à dessiller le
regard de ceux qui se complaisaient dans un système confortable plaçant l’homme
au cœur de toutes choses avec en surplomb, le couvant du regard, l’œil de Dieu.
Pour Brecht, qu’on mésestime trop souvent aujourd’hui, c’était la rigidité des
codes théâtraux qu’il fallait renverser pour ébranler la conscience du
spectateur, pour le rendre meilleur. C’est en héritier de ce théâtre que se
place ici Jean-François Sivadier. Le spectateur entend à merveille l’une des
phrases que Brecht place dans la bouche de Galilée : « Penser est
l'un des plus grands divertissements de l'espèce humaine. » Une phrase qui
résonne puissamment aujourd’hui tant la pensée fait défaut.
Une pensée incarnée
Pour être tissé de pensée mobile, ce théâtre n’en
est pas pour autant désincarné grâce à une troupe de comédiens exceptionnels,
qui embrassent avec une même fraîcheur les différents rôles qui leur sont
confiés. Les costumes, de même, accompagnent avec justesse la loufoquerie qui
intervient toujours à point nommé. La pièce se met enfin au diapason de son
personnage central, gourmand. Galilée n’est pas montré comme un ascète
entièrement dévoué à la science mais comme un homme dont la chair peut à
l’occasion dicter le comportement. Servile pour pouvoir manger de la viande et
payer le laitier, lâche devant les instruments de l’Inquisition, il ne désire
rien de moins que d’exposer ses chairs à la flamme comme un jambon.
C’est à cause de ce pragmatisme qu’il échoue à
dissiper le « brouillard nacré de superstitions et de vieux dictons »
qui enrobe ses contemporains et que, selon Brecht, il ouvre la voie d’une
science vendue au pouvoir. Le progrès n’est plus synonyme de progression depuis
longtemps déjà quand Brecht rédige ce texte cruellement actuel. Il ne faut pas
oublier que le dramaturge allemand met la dernière main à sa pièce dans les
années 1950, au sortir de la guerre, au lendemain de la première bombe atomique
larguée sur une ville.
MC2: Grenoble
Du mardi 6 au samedi 10 janvier 2015, à
19h30
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