Mise en scène de Philippe Car
À s’entretenir avec la pétulante Valérie Bournet, qui interprète tous les personnages de cette tragédie mythique, on réalise à quel point le théâtre, chez cette troupe, est affaire de rêve et de transmission. Impensable de s’en tenir à la seule représentation. Le spectacle est ici enrobé d’une panoplie qui fait de l’échange entre spectateurs et comédiens un beau tout. Quand la troupe déboule dans les lieux où elle est programmée, c'est avec son camion cuisine. Au sortir du spectacle, elle offre un verre et encore – pour ceux qui réservent auprès de la billetterie de la salle – elle installe ses tables nomades pour dîner joyeusement avec le public au son de musiques jouées en live. « Il n’y a pas d’un côté le monde magique des comédiens et de l’autre celui des spectateurs qui viennent consommer. », revendique Valérie Bournet, qui entend livrer un « théâtre au présent » même s’il va fouiller dans la tragédie d’Antigone. Car dans Le Sentier d’Antigone, Valérie Bournet est aussi Séraphin. Ce clown dépourvu de nez rouge conte aux spectateurs l’histoire de la jeune Antigone.
« Séraphin est plein d’innocence, ce qui lui permet d’entrer en lien avec les spectateurs. Je peux ainsi rompre le fameux 4e mur et être réellement dans le présent avec le public. Les gens peuvent me répondre. Séraphin porte l’émerveillement, les questionnements qui flottent dans le spectacle. », s’enthousiasme la comédienne. Et en effet, cette version d’Antigone vient chatouiller nos désirs de résistance avortés, nos petites défaites du quotidien qui pourraient prendre le sentier de discrètes victoires. « Est-ce qu’on ose dire non dans la société, dans notre travail… ? On peut se questionner à cet endroit-là. En ce moment, ça résonne bien je trouve. Où en est-on vis-à-vis de nos valeurs ? Peut-on encore dire non ? À quoi ? Comment se respecte-t-on ? Ces questions, on peut se les poser tous les jours, à de petites échelles. », conclut V. Bournet.
Sur la scène, le mythe fait écho bel et bien et le merveilleux s’invite lui aussi grâce aux deux anges gardiens Cupidon et Gabriel, interprétés respectivement par Lucie Botiveau et Marie Favereau. Les comédiennes, musiciennes et manipulatrices assurent numéros de magie, permettent à la très belle scénographie de s’articuler fabuleusement au récit et jouent les morceaux qui accompagnent la pièce de bout en bout. Comme l’affirme Valérie Bournet, elles sont les gardiennes du récit de Séraphin, du mythe d’Antigone, à l’image de la troupe qui défend avec ferveur les textes du patrimoine en se délestant de toute frilosité à leur endroit. Un beau théâtre donc, soutenu par une troupe qui se porte bien. C’est ce qu’aime à rappeler Valérie Bournet, qui se défie du déclinisme ambiant.
« Séraphin est plein d’innocence, ce qui lui permet d’entrer en lien avec les spectateurs. Je peux ainsi rompre le fameux 4e mur et être réellement dans le présent avec le public. Les gens peuvent me répondre. Séraphin porte l’émerveillement, les questionnements qui flottent dans le spectacle. », s’enthousiasme la comédienne. Et en effet, cette version d’Antigone vient chatouiller nos désirs de résistance avortés, nos petites défaites du quotidien qui pourraient prendre le sentier de discrètes victoires. « Est-ce qu’on ose dire non dans la société, dans notre travail… ? On peut se questionner à cet endroit-là. En ce moment, ça résonne bien je trouve. Où en est-on vis-à-vis de nos valeurs ? Peut-on encore dire non ? À quoi ? Comment se respecte-t-on ? Ces questions, on peut se les poser tous les jours, à de petites échelles. », conclut V. Bournet.
Sur la scène, le mythe fait écho bel et bien et le merveilleux s’invite lui aussi grâce aux deux anges gardiens Cupidon et Gabriel, interprétés respectivement par Lucie Botiveau et Marie Favereau. Les comédiennes, musiciennes et manipulatrices assurent numéros de magie, permettent à la très belle scénographie de s’articuler fabuleusement au récit et jouent les morceaux qui accompagnent la pièce de bout en bout. Comme l’affirme Valérie Bournet, elles sont les gardiennes du récit de Séraphin, du mythe d’Antigone, à l’image de la troupe qui défend avec ferveur les textes du patrimoine en se délestant de toute frilosité à leur endroit. Un beau théâtre donc, soutenu par une troupe qui se porte bien. C’est ce qu’aime à rappeler Valérie Bournet, qui se défie du déclinisme ambiant.
A.D.
© Elian Bachini
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Entretien avec Valérie Bournet
réalisé le lundi 5 janvier 2015
La Rampe Échirolles
Jeudi 22 janvier à 20h
Les tables nomades
Tarif repas adultes 11€ | enfants 8€
Vendredi 23 janvier à 14h30
www.larampe-echirolles.fr
www.voyagesimaginaires.fr
Comment décririez-vous le clown Séraphin que vous vous êtes créé, quels sont ses caractéristiques ?
Il y a donc un part d’improvisation dans le spectacle ?
V.B. « Il m’arrive d’improviser à partir des événements qui peuvent se passer dans la salle. Tout le monde n’a pas les mêmes codes. L’idée c’est d’être au présent. « Voilà bonjour je m’appelle Séraphin, j’vais vous raconter cette histoire-là mais je vous la raconte à vous : les 300 ou 400 spectateurs qui êtes en face de moi. » Il n’y a pas d’un côté le monde magique des comédiens et de l’autre celui des spectateurs qui viennent consommer. C’est notre mission en tant que troupe. On existe depuis 30 ans. Au fur et à mesure du temps, on est de plus en plus exigeants. »
Comment la troupe aborde-t-elle les textes du répertoire ?
V.B. « On met en scène beaucoup de classiques mais on ne les laisse pas là où ils sont. On respecte les auteurs et en même temps, on les rêve, on les émerveille… pour que les gens puissent se dire « je n’avais jamais vu Antigone comme ça ». Le décor est un peu surréaliste, très léché au niveau de l’image. Le fait que j’interprète tous les personnages (Créon, Antigone) crée une proximité entre les personnages dans le jeu. Le passage de l’un à l’autre montre comme chacun porte en lui la personnalité de l’autre. On a tout en nous. On essaie de résister chacun à la tyrannie qu’il y a en nous. »
Qu’en est-il des deux comédiennes, musiciennes et manipulatrices qui vous accompagnent ? À quel niveau interviennent-elles ?
V.B. « C’est un trio. Elles sont comme mes deux anges gardiens. Elles sont là pour porter ce conteur qui va raconter l’histoire d’Antigone. Elles font toute la musique du spectacle. Elles sont tout le temps en présence. Elles sont les gardiennes du temple. Je suis soutenue sur scène, ça rajoute énormément de poésie. Elles sont vraiment les anges qui gardent le mythe. Elles sont manipulatrices aussi, elles donnent le bon mouvement aux décors pour que la magie opère. Il y a pas mal de petits numéros de magie dans le spectacle. Et nous sommes trois femmes à moustaches, c’est assez intéressant : le public se demande ce que ça signifie… »
Essayez-vous de faire résonner la résistance qu’incarne le personnage d’Antigone dans l’époque actuelle ?
V.B. « Est-ce qu’on ose dire non dans la société, dans notre travail ? On peut se questionner à cet endroit-là. Je suis contente de jouer ce rôle-là parce que c’est mon métier mais aussi parce qu’il y a une parole. En ce moment, ça résonne bien je trouve. Où est-ce qu’on est par rapport à nos valeurs, on peut encore dire non mais à quoi ? et comment ? comment on se respecte, comment on fixe des limites ? C’est tous les jours, à de petites échelles. »
Chacune des créations de l'Agence de Voyages imaginaires débute par un « voyage d’étude » où toute l’équipe se retrouve à l’étranger pour découvrir le texte. Où êtes-vous allés pour Le Sentier d’Antigone ?
V.B. « Pour Antigone, on est allé au Burkina Faso. On s’est retrouvé en brousse avec aucun des codes de théâtre et surtout sans la langue donc on a commencé à faire de la recherche autour du mythe d’Antigone, de cette femme qui dit non au pouvoir. On peut trouver des figures comme celle-là dans tous les pays et notamment dans les pays qui ont de grosses difficultés et qui sont en développement. On a gardé le nez rouge pour Antigone (parce que dans le spectacle, c’est Antigone qui a le nez rouge et non Séraphin) pour que les gens puissent repérer le personnage grâce à cet élément (le plus petit masque du monde). Donc ce n’était pas quelque chose de réaliste. On avait envie de les emmener ailleurs grâce à ce petit nez rouge... »
www.voyagesimaginaires.fr
Pour aller plus loin : l'entretien dans son intégralité...
Comment décririez-vous le clown Séraphin que vous vous êtes créé, quels sont ses caractéristiques ?
Valérie Bournet « Il y a 15 ans il a été créé pour un spectacle qui s’appelle Tristan et Iseult. On cherchait des conteurs et sur ce type du conteur, j’ai trouvé ce clown, sans nez rouge qui n’a pas d’âge, qui est asexué, qui est plein d’innocence comme les clowns et qui peut entrer en lien avec les spectateurs en leur posant à tous moments une question. C’est ce qu’il fait dans Antigone, dans Roméo et Juliette… ça me permet de pouvoir rompre le fameux 4e mur et réellement être dans le présent avec les spectateurs, ce présent à 20h35 ou 40 qu’on partage ensemble et qui est unique. Les gens peuvent me répondre. Séraphin porte l’innocence, l’émerveillement, les questionnements. Il demande aux gens si eux aussi sont prêts à mourir pour leurs idées. Il porte une petite voix intérieur, il raconte innocemment, il requestionne les thèmes qui flottent dans le spectacle : ça interroge la place du spectateur, ça amène le spectateur à un petit peu réfléchir, répondre… »
Il y a donc un part d’improvisation dans le spectacle ?
V.B. « Il m’arrive d’improviser à partir des événements qui peuvent se passer dans la salle. Tout le monde n’a pas les mêmes codes. L’idée c’est d’être au présent. « Voilà bonjour je m’appelle Séraphin, j’vais vous raconter cette histoire-là mais je vous la raconte à vous : les 300 ou 400 spectateurs qui êtes en face de moi. » Il n’y a pas d’un côté le monde magique des comédiens et de l’autre celui des spectateurs qui viennent consommer. C’est notre mission en tant que troupe. On existe depuis 30 ans. Au fur et à mesure du temps, on est de plus en plus exigeants. »
Comment la troupe aborde-t-elle les textes du répertoire ?
V.B. « On met en scène beaucoup de classiques mais on ne les laisse pas là où ils sont. On respecte les auteurs et en même temps, on les rêve, on les émerveille… pour que les gens puissent se dire « je n’avais jamais vu Antigone comme ça ». Le décor est un peu surréaliste, très léché au niveau de l’image. Le fait que j’interprète tous les personnages (Créon, Antigone) crée une proximité entre les personnages dans le jeu. Le passage de l’un à l’autre montre comme chacun porte en lui la personnalité de l’autre. On a tout en nous. On essaie de résister chacun à la tyrannie qu’il y a en nous. »
Qu’en est-il des deux comédiennes, musiciennes et manipulatrices qui vous accompagnent ? À quel niveau interviennent-elles ?
V.B. « C’est un trio. Elles sont comme mes deux anges gardiens. Elles sont là pour porter ce conteur qui va raconter l’histoire d’Antigone. Elles font toute la musique du spectacle. Elles sont tout le temps en présence. Elles sont les gardiennes du temple. Je suis soutenue sur scène, ça rajoute énormément de poésie. Elles sont vraiment les anges qui gardent le mythe. Elles sont manipulatrices aussi, elles donnent le bon mouvement aux décors pour que la magie opère. Il y a pas mal de petits numéros de magie dans le spectacle. Et nous sommes trois femmes à moustaches, c’est assez intéressant : le public se demande ce que ça signifie… »
Essayez-vous de faire résonner la résistance qu’incarne le personnage d’Antigone dans l’époque actuelle ?
V.B. « Est-ce qu’on ose dire non dans la société, dans notre travail ? On peut se questionner à cet endroit-là. Je suis contente de jouer ce rôle-là parce que c’est mon métier mais aussi parce qu’il y a une parole. En ce moment, ça résonne bien je trouve. Où est-ce qu’on est par rapport à nos valeurs, on peut encore dire non mais à quoi ? et comment ? comment on se respecte, comment on fixe des limites ? C’est tous les jours, à de petites échelles. »
Chacune des créations de l'Agence de Voyages imaginaires débute par un « voyage d’étude » où toute l’équipe se retrouve à l’étranger pour découvrir le texte. Où êtes-vous allés pour Le Sentier d’Antigone ?
V.B. « Pour Antigone, on est allé au Burkina Faso. On s’est retrouvé en brousse avec aucun des codes de théâtre et surtout sans la langue donc on a commencé à faire de la recherche autour du mythe d’Antigone, de cette femme qui dit non au pouvoir. On peut trouver des figures comme celle-là dans tous les pays et notamment dans les pays qui ont de grosses difficultés et qui sont en développement. On a gardé le nez rouge pour Antigone (parce que dans le spectacle, c’est Antigone qui a le nez rouge et non Séraphin) pour que les gens puissent repérer le personnage grâce à cet élément (le plus petit masque du monde). Donc ce n’était pas quelque chose de réaliste. On avait envie de les emmener ailleurs grâce à ce petit nez rouge... »
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