En faisant quelques pas
dans le hall de la MC2 de Grenoble avant que ne débute la pièce Par
les villages ou à la faveur de l'entracte, on peut apprécier
les photographies de Jean-Louis Fernandez. On y mesure le gigantisme
de la Cour d'honneur du Palais des Papes pour laquelle la pièce a
été créée à l'occasion du Festival d'Avignon 2013.
Il fallait donc un texte
qui puisse souffrir cette démesure. Le metteur en scène et comédien
Stanislas Nordey l'a trouvé : Par les villages,
de Peter Handke. Sur la scène du Grand Théâtre de la MC2, lors de
la première ce jeudi, on pouvait reconnaître l'amplitude de
ce poème dramatique. C'est bien la poésie du verbe que les
comédiens donnent à entendre, grâce à une diction limpide qui
n'escamote aucun son, aucune syllabe, performance remarquable tenue
trois heures et demie durant sans que jamais la voix n'achoppe.
L'écoute de la salle était à la mesure de l'exploit.
Le
théâtre comme tribune
Mais ce qui davantage
interpelle, c'est l'usage de tribune qui est fait de la scène où la
parole est rendue aux humbles. La pièce se construit autour des
retrouvailles de deux frères ennemis dans un petit village d'Europe
centrale. Fuyant les classes laborieuses, l'aîné, Gregor, figure de
l'intellectuel, a quitté sa famille pour rejoindre la ville. Son
frère Hans, interprété par Stanislas Nordey, a si bien embrassé
sa condition d'ouvrier qu'il s'en est fait le porte-parole.
Comme
dans les grandes tragédies, la confrontation est retardée et c'est
quand elle intervient que la parole devient flamboyante, parce que
portée par la revanche de l'humble resté au village :
remarquable moment théâtral où Hans libère, par le flux
ininterrompu de ses mots, la parole de ses pairs. Ce qui est défendu
à cœur c'est l'énigme inhérente à chacun de ces ouvriers que
d'aucuns considèrent comme interchangeables. Tous portent le verbe
haut, parfois rieur, toujours fiévreux. L'intendante du chantier,
Annie Mercier, « vieille buveuse de gnôle », enchante la
salle par sa gouaille désabusée.
Tous soliloquent mais
interagissent bel et bien. Toutefois l'intérêt s'émousse parfois
devant des élans lyriques étirés à l'extrême. Mais ce beau
théâtre du texte vaut bien des instants d'une lassitude toute
relative, sans compter que la guitare électrique d'Olivier Mellano
est là pour seconder discrètement le récit.
A.D.
© Jean-Louis Fernandez
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Compte rendu critique
Pièce vue le jeudi 27 février 2014
MC2: Grenoble
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