Mise en scène de Matèj Forman
Dans
l'univers de Matèj Forman, le spectacle ne débute pas quand le
public est plongé dans le noir et que s'éclaire la scène. Le
passage d'un temps à un autre
est plus trouble, plus subtil.
Au bout de longues perches, des boules laissent filtrer des raies de
lumière. Elles viennent
de tous points : salle, plateau. S'échappent de ces
encensoirs des
volutes de fumée qui
déjà convoquent l'Orient. À
l'avant scène, une arche pose le cadre du récit. Place au conte.
Un
beau matin, Aladin, programmé à la MC2 de Grenoble jusqu'au
samedi 22 mars, puise à la source du conte : l'Orient des Mille et une nuits. Aladin retrouve
ici son
récit fondateur,
celui qui l'encadre,
l'histoire de Shéhérazade. C'est grâce à son art du récit que la
jeune princesse sauve sa vie. Par
peur d'être trompé, le
Sultan fait
exécuter toutes ses épouses au lendemain de la nuit de noce,
jusqu'à ce qu'il épouse
Shéhérazade. Le
rite barbare est alors suspendu comme l'est le Sultan
aux récits de la jeune femme qui, chaque nuit, narre une nouvelle
histoire. L'aube venue, elle l'interrompt et prolonge ainsi le fil de
sa vie. Qui mieux que Matèj
Forman pouvait s'emparer du conte qui célèbre le
mieux le pouvoir du
récit ?
« Est-ce que c'est
un morceau de bois mort ou est-ce qu'il peut faire partie d'une
histoire ? », demande la récitante (Agnès Sourdillon) en
désignant la marionnette qui figure Aladin. Dans cette fantaisie
orientale, non seulement les marionnettes, pourtant manipulées à
vue, s'intègrent à l'histoire mais elles portent les émotions des
jeunes héros : Aladin et la fille du Sultan dont il est fou
d'amour. Autour d'eux crépitent les trouvailles scéniques – jeux
d'ombres et de lumières, objets nés d'une inventivité foisonnante
– et se constitue un Orient de rêve. Caravane de dromadaires,
voilures chamarrées, étoffes miroitantes, génie sombre et masqué
de la lampe...
Et comme le Sultan gagné
par le plaisir du récit fabuleux, le public se prend à espérer que
l'aube oublie de chasser la nuit.
A.D.
© Irena Vodakova |
Compte rendu critique du spectacle
vu le 18/03/2014
MC2: Grenoble
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