Librement adapté de La Petite Casserole d'Anatole d'Isabelle Carrier
Ecriture et mise en scène : Estelle Savasta
Dans le joli album de jeunesse d’Isabelle Carrier, La Petite Casserole d’Anatole, le trait est rond, clair et l’intrigue d’une grande simplicité. La casserole que
traîne derrière lui le jeune Anatole, c’est le handicap, petit ou gros, un peu
ou franchement encombrant.
Le petit garçon trouve en une vielle
dame nommée Miette une alliée pour apprendre à composer avec ses casseroles. La
fable d'Isabelle Carrier exalte donc une forme de solidarité transgénérationnelle entre deux
inadaptés (la mémoire de Miette s’émiette). Le propos est séduisant mais
Estelle Savasta, dans Le Préambule des étourdis, prend le parti de s’en éloigner pour faire de Miette une petite
fille qui guette d’abord Anatole pour mieux s’en approcher ensuite.
C’est la force de cette écriture que d’avoir su lâcher du lest vis-à-vis
de l’intrigue de l’album. Et, de l’aveu de la metteure en scène, c’était même
une nécessité : « Si la simplicité de l’histoire fait la richesse de
l’album, il m’a semblé qu’une histoire si ténue pourrait avoir sur le plateau
l’air d’un prétexte. D’une variation autour d’une casserole. »
Miette est donc sur la scène une silhouette entourée par sa
bande. Laquelle fait bloc derrière un miroir flou créant une béance dans
l’antre d’Anatole : sa chambre et son atelier. La petite meute épie tandis
qu’une voix off (celle de Miette) décrit Anatole, ses bizarreries, son penchant
pour les arts, la manière dont les casseroles (et parfois même les marmites les
mauvais jours) encombrent sa vie. Le discours de la jeune Miette, que l’on
croit d’abord plein d’empathie, glisse parfois vers l’incompréhension face aux
agissements d’Anatole, puis se mue en peur et enfin en rejet avant d’amorcer le
parcours inverse pour le salut d’Anatole. Cheminement qui place la jeune Miette
et ses pairs, pendant un temps, dans une position de harceleurs. Et voilà
comment cette thématique, qui mérite l’attention que les médias lui portent ces
temps-ci, s’invite dans le récit avec une grande subtilité.
Le comédien Bastien Authié, pratiquement seul en scène de
bout en bout, prête au jeune Anatole un corps empreint d’une maladresse
touchante. La chorégraphie de ses gestes, la manipulation de ficelles et de
casseroles figurent délicatement la différence sans que l’absence de mots ne
freine l’émotion, tout au contraire. La scénographie et la lumière de même
secondent admirablement l’aphasie du jeune Anatole, qui trouve dans la
conception de ses costumes et accessoires un moyen d’expression et une armure. De
la salle, on perçoit la chaleur que dégage son petit atelier éclatant de
couleurs et de lumière. C’est la réussite de ce spectacle que de nous
cueillir ainsi avec délicatesse.
A.D.
Spectacle vu à la MC2 le 10/02/2015
© Danica Bijeljac
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Compte rendu critique
MC2 en collaboration
avec l'Espace 600
du 03/02 au 12/02
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