De et avec Damiaan De Schrijver et Peter Van den Eede
Texte de André Gregory et Wallace Shawn
d’après le scénario du film homonyme de Louis Malle
Quand certaines compagnies jouent la provocation via des
procédés faciles et éprouvés (nudité, excréments, giclures de liquides en tous
genres), d’autres dénichent des dispositifs bien plus retors et autrement plus
efficaces. Dans My dinner with André,
les compagnies flamandes Stan et de Koe pratiquent une redoutable provocation
culinaire. Car de la scène, nous parvient le fumet exquis des plats préparés en
direct par deux cuisiniers qui servent et desservent les assiettes de ce dîner
inspiré du film homonyme de Louis Malle.
Sur le plateau, une petite table accueille donc le défilé des
mets et les échanges sinueux de deux hommes de théâtre. L’un (André) tire une
certaine suffisance de sa réussite. L’autre (Wally) – comédien et metteur en
scène ratés – prête une oreille distraite aux élucubrations de son compagnon.
On pourrait craindre l’indigestion devant un tel argument. C’est sans compter
sur le talent des deux interprètes qui glissent sans cesse d’un registre à
l’autre, d’un monde à l’autre en court-circuitant l’adhésion du public à la
fable théâtrale par de subtils clins d’œil ou par des adresses directes aux
spectateurs.
Au-delà de ces petites bulles d’humour, une profonde
réflexion sur ce qui fait théâtre se faufile entre les plats et émane autant de
la discussion échevelée qui se tient sur le plateau que de la mise en scène.
Les deux comédiens sont certes attablés pendant la quasi-totalité du spectacle,
mais ils n’offrent en rien un théâtre statique. La pensée est en mouvement et
le verbe habile. Les prises de parole sont des retournements de situation. Les
silhouettes même traduisent les tempéraments. À l’opposé d’André, Wally l’a
replète puisqu’il engouffre les mets tandis que son compère soliloque, ce qui
donne lieu à un jeu de miroir cocasse. Le comédien qui interprète Wally se
plaint de l’embonpoint causé, d’après lui, par son défaut de réplique dans la
pièce !
Bien sûr, eu égard à sa durée (3h30), ce théâtre-là ne va pas
sans quelques efforts, surtout si le ventre est vide. C’est un théâtre qui se
mérite, qui se goûte en gourmet.
A.D.
© Thomas Walgrave
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Compte rendu critique
Pièce vue le mardi 9 décembre à la
MC2 : Grenoble
Du mardi 9 au samedi 13 décembre
Sur scène, selon les
représentations,
les cuisiniers des restaurants Le Moderne,
l’Aubergerie du
Haut Bréda ou Païza
cuisinent pour les comédiens.
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