mercredi 10 décembre 2014

Théâtre | My dinner with André

De et avec Damiaan De Schrijver et Peter Van den Eede
Texte de André Gregory et Wallace Shawn 
d’après le scénario du film homonyme de Louis Malle

Quand certaines compagnies jouent la provocation via des procédés faciles et éprouvés (nudité, excréments, giclures de liquides en tous genres), d’autres dénichent des dispositifs bien plus retors et autrement plus efficaces. Dans My dinner with André, les compagnies flamandes Stan et de Koe pratiquent une redoutable provocation culinaire. Car de la scène, nous parvient le fumet exquis des plats préparés en direct par deux cuisiniers qui servent et desservent les assiettes de ce dîner inspiré du film homonyme de Louis Malle.

Sur le plateau, une petite table accueille donc le défilé des mets et les échanges sinueux de deux hommes de théâtre. L’un (André) tire une certaine suffisance de sa réussite. L’autre (Wally) – comédien et metteur en scène ratés – prête une oreille distraite aux élucubrations de son compagnon. On pourrait craindre l’indigestion devant un tel argument. C’est sans compter sur le talent des deux interprètes qui glissent sans cesse d’un registre à l’autre, d’un monde à l’autre en court-circuitant l’adhésion du public à la fable théâtrale par de subtils clins d’œil ou par des adresses directes aux spectateurs.

Au-delà de ces petites bulles d’humour, une profonde réflexion sur ce qui fait théâtre se faufile entre les plats et émane autant de la discussion échevelée qui se tient sur le plateau que de la mise en scène. Les deux comédiens sont certes attablés pendant la quasi-totalité du spectacle, mais ils n’offrent en rien un théâtre statique. La pensée est en mouvement et le verbe habile. Les prises de parole sont des retournements de situation. Les silhouettes même traduisent les tempéraments. À l’opposé d’André, Wally l’a replète puisqu’il engouffre les mets tandis que son compère soliloque, ce qui donne lieu à un jeu de miroir cocasse. Le comédien qui interprète Wally se plaint de l’embonpoint causé, d’après lui, par son défaut de réplique dans la pièce !


Bien sûr, eu égard à sa durée (3h30), ce théâtre-là ne va pas sans quelques efforts, surtout si le ventre est vide. C’est un théâtre qui se mérite, qui se goûte en gourmet.

A.D. 


© Thomas Walgrave
Compte rendu critique
Pièce vue le mardi 9 décembre à la
MC2 : Grenoble
Du mardi 9 au samedi 13 décembre
Sur scène, selon les représentations,
les cuisiniers des restaurants Le Moderne,
 l’Aubergerie du Haut Bréda ou Païza
 cuisinent pour les comédiens.



Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire